mardi 25 août 2020

"Point objectif sur la circulation de SARS-CoV-2" - Réponse à Axel Kahn

 J’ai souvent apprécié les prises de position d’Axel Kahn, bien que parfois, voire souvent en désaccord sur le fond. En particulier, il m’a semblé que sa critique de l’usage de HCQ dans cette crise était l’une des meilleures que j’aie pu lire, les plus pertinentes et surtout l’une des moins fallacieuses (bien que, consistant à dire que les malades guérissaient spontanément dans 98% des cas, on ne pouvait pas donner un médicament potentiellement toxique aux gens, elle s’applique à mon avis bien davantage au Remdesivir qu’à HCQ, mais passons, ce n’est pas le débat ici).

Sa publication d’un « point objectif sur la circulation de SARS-CoV-2 » me semble en revanche très problématique et appelle donc une réponse, que voici :

POINT OBJECTIF SUR LA CIRCULATION DE SARS- CoV-2
Ce devrait être inutile, mais cela ne l’est pas...même pour certains des miens. Certains de mes anciens élèves, d’anciens collaborateurs à l’université....

Alors j’ai réuni des données récentes.

1, le taux de sujets infectés (pourcentage de PCR +) augmente, il a presque triplé depuis fin mai. Ce n’est pas encore dramatique (cela laisse craindre un triplement du nombre de morts, de 12 - 20 par jour fin août à 36 - 60 fin septembre) mais la hausse s’accroît tendanciellement.

Vous faites comme si nous étions, en juillet et en août, comme en février et mars. Or, la situation n’est absolument plus la même, et cet indicateur n’a plus du tout le même sens (s’il a eu un, au vu de la politique de tests aberrante dès le début). La mesure du nombre de cas n’est de toute façon pas un indicateur fiable pour décrire la situation épidémique, puisque 1571 tests ont été effectués le jour du confinement, et 132485 tests ont été effectués le 17 août. Le nombre de tests a donc été multiplié par 84 dans l’intervalle (et multiplié par 7 depuis le 30 mai). Un tel indicateur ne peut pas être utilisé pour décrire la situation épidémique.
Le pourcentage de tests positif peut paraitre plus pertinent, mais soulève un grand nombre de question. Au vu de la politique de tests, et de la situation épidémique, il est clair que les positifs d’aujourd’hui ne sont pas les mêmes qu’en mars et avril. Je ne suis pas expert en épidémiologie (j’y reviendrai), mais je vois au moins quelques raisons de ne pas alarmer le monde entier à la simple vue de cet indicateur :

·         Un positif peut être tout simplement un faux positif. Cela semble être d’autant plus probable que la probabilité pré-test est faible. La très grande majorité des personnes testées aujourd’hui étant asymptomatique, nous sommes bien dans cette situation.

·         Un positif peut également l’être sans être pour autant contaminant, parce que porteur d’ARN « mort ». Là aussi, cette probabilité est beaucoup plus forte en ce moment que durant le pic épidémique.

·         Une part non négligeable des positifs ont été testés à leur retour de vacances de pays étrangers. Cette situation serait en effet inquiétante si nous étions en période épidémique et si nous ne testions pas suffisamment ; mais ce n’est pas le cas : nous testons enfin suffisamment et ces cas ont donc toutes les chances d’être circonscrits.

·         Dans ces conditions, et tant que les indicateurs plus pertinents pour suivre l’épidémie (nombre de personnes hospitalisées, en réanimation, décédées) ne remontent pas, je crois qu’Eric Caumes, par exemple, a eu raison de déclarer que la circulation consistait en une campagne de vaccination naturelle qui serait, a priori, très utile en cas d’installation du virus dans le paysage.

Un point « objectif » devrait mentionner ces observations, ne serait-ce que pour les nuancer, les contredire, y apporter un éclairage factuel pour en mesurer l’ampleur. A vous lire, on a l’impression que tout cela n’existe pas, et on n’a plus qu’à attendre le « dramatique » qui n’est pas « encore » là. Nous avons, sur le mois d'août (du 1er au 24 août), et malgré la dite augmentation des cas, 64 morts de moins qu'au mois de juillet (du 1er au 24 juillet) : 330 en juillet, 266 en août (https://geodes.santepubliquefrance.fr/#c=indicator&f=0&i=covid_hospit.dc&s=2020-05-11&t=a01&view=map2). Cela constitue une baisse de 20%, alors que le nombre de cas positifs a augmenté.

 

2, dans la droite ligne du point 1, le nombre de sujets hospitalisés s’accroît légèrement mais tendanciellement (graphes 1 et 1’).

Il est vrai que le nombre de sujets nouvellement hospitalisés remonte, certes légèrement, mais remonte tout de même depuis cet été. Cependant, cela s’accompagne, dans la même période, d’une baisse continue, bien que lente, du nombre de personnes hospitalisées (22284 personnes hospitalisées le jour du déconfinement, 8536 personnes hospitalisées le 30 juin, 4690 personnes hospitalisées le 24 août, plus bas niveau depuis le 19 mars ; https://dashboard.covid19.data.gouv.fr/vue-d-ensemble?location=FRA). Cela confirme que le suivi est actuellement bien réalisé et que les personnes hospitalisées en sortent plus rapidement qu’avant, faute de quoi le nombre de personnes hospitalisées repartirait lui aussi à la hausse (ce qu’il faut surveiller en effet). La seule mention de l’augmentation du nombre de personnes nouvellement hospitalisées ne me semble pas refléter la réalité objective de la situation. D’autant, rappelons-le une nouvelle fois, qu’une partie de ces personnes (estimé à 40% par votre prof de physio incompétent) a contracté le virus à l’étranger, et qu’il semble logique à cette période de l’année qu’il y ait davantage de retours. Il s’agit donc d’être vigilant et attentif, mais pas inquiet ni angoissé. Idem pour le nombre de personnes en réanimation, relativement stable.

 

4, à Marseille (graphes 3 et 3’), on observe très bien la hausse première de la contamination dès juillet des jeunes adultes avec peu d’hospitalisations. Suivie de la hausse de la contamination des moins jeunes qui habitent la même ville qu’eux. Et cette fois un accroissement plus important des hospitalisations.

Dans les Bouches-du-Rhône, il y a 212 personnes hospitalisées (https://dashboard.covid19.data.gouv.fr/vue-d-ensemble?location=FRA). Il y en avait certes 203 le 14 août, mais 285 le 7 août et 392 le 26 juin. Je ne suis pas persuadé qu’il s’agisse là d’une situation particulièrement alarmante. Une vigilance raisonnable me semble suffisante.

 

5, Jean-François Toussaint est l’un de mes anciens professeurs lorsque j’étais Président de l’Université Paris Descartes. Un excellent spécialiste de la physiologie et de la performance sportive. Il n’a aucune expérience ni compétence en infectiologie, n’a aucune expérience personnelle du port du masque. Je ne vois comme cause à son délire actuel que l’ivresse d’une soudaine notoriété qu’il côtoyait moins dans sa spécialité des limites du progrès des performances des athlètes.

Vous pouviez à mon avis vous passer d’une attaque ad hominem de ce style. Qualifier un propos de « délire » n’est déjà pas très pertinent, surtout quand il est évident que ce n’est pas le cas (« Trouble psychique d'une personne qui a perdu le contact avec la réalité, qui perçoit et dit des choses qui ne concordent pas avec la réalité ou l'évidence, quelle que soit leur cohérence interne. » ; à tout le moins il faudrait démontrer la déconnexion de ses propos d’avec la réalité, et cela vous ne le faites pas). Le soupçonner d’une « ivresse » et d’une recherche de « notoriété » est un moyen facile mais assez peu honnête de balayer son argumentation. On aurait apprécié que vous vous contentiez de répondre à ses arguments, plutôt que de vous lancer dans la caricature, le mépris et l’insulte. Par ailleurs, il s’agit d’une attaque boomerang, dans le sens où le coup de la recherche de notoriété pourrait bien davantage vous être reproché à vous (il suffirait de compter vos passages médiatiques et de les comparer à ceux de M. Toussaint).

Par ailleurs, je vois ici un procès en incompétence qui me semble tout à fait néfaste pour l’image de la science, et pour la démocratie. Comme je l’ai dit, je ne suis pas expert en épidémiologie, ni d’ailleurs en rien du tout. Pour autant, je suis citoyen de ce pays qui se dit démocratique, et en cela, je suis censé pouvoir donner mon avis sur les décisions politiques. La confinement est une décision politique, la stratégie de dépistage est une décision politique, le lancement de Discovery est une décision politique, la mise en place du Conseil scientifique est une décision politique, le fait de réserver HCQ notamment aux cas graves à l’hôpital est une décision politique, le fait de propager le message « Restez chez vous et prenez du doliprane » est une décision politique, le fait d’interdire aux pharmacies pendant l’épidémie de vendre des masques est une décision politique, le fait d’obliger la population à porter le masque est une décision politique. Pour tout cela, ce n’est pas la Science descendue du ciel qui s’est imposée à nous, et différents pays ont adopté des positions différentes, voire le même pays a changé d’option du tout au tout en cours de route. Nous, citoyens, comme dirait l’autre, devrions être souverains sur ces décisions. Dans la pratique, ce n’est pas le cas, mais c’est un autre sujet (la réalité démocratique). Nous serons certainement d’accord sur la nécessité d’avoir un bon éclairage sur les enjeux afin que le peuple puisse prendre les meilleures décisions possibles. Mais je n’admets pas qu’un scientifique en disqualifie un autre pour incompétence. Si M. Toussaint n’est pas qualifié pour s’exprimer sur ces sujets, alors il n’y a qu’une petite poignée de personnes peut-être qui peut le faire (et encore), et la démocratie n’a strictement aucun sens : il faut un gouvernement d’experts et point final.


Je pense plutôt, pour ma part, qu’il faudrait au minimum l’instauration d’une assemblée citoyenne permanente et tirée au sort (tous les 6 mois ?), qui servirait en réalité de conseil scientifique, à proprement parler cette fois-ci, et qui aurait pour mission de s’emparer des questions qui traversent notre société, et de produire, par l’audition des différents experts en lien avec chaque question, un état des connaissances capable de servir de conseil à la décision politique. Je pense comme Jacques Testart que nous avons la compétence pour cela. Je pense également que cela déconnecterait un conseil scientifique des problèmes de conflits d’intérêts (dont nous avons malheureusement vu une magnifique illustration, ce qui est désastreux pour l’image de la science), et des problèmes de responsabilité (un conseil scientifique mis en place par le gouvernement ne peut être vu que comme une caution « scientifique » aux décisions qui sont prises, dès lors, les avis du conseil scientifique sont plus politiques que scientifiques).

 

6, durant tout le confinement, deux de mes enfants, une belle-fille ont été quotidiennement en contact avec des personnes malades de la Covid. Ils sont restés indemnes, en particulier parce qu’ils portaient des masques toute la journée.

Je crois que personne ne conteste ce point. En tout cas, je n’ai jamais entendu Jean-François Toussaint le contester. Nous étions nombreux, en mars et en avril, à réclamer effectivement des masques pour les personnels soignants, et pour que la population puisse aller consulter les médecins, plutôt que de rester chez soi avec du Doliprane. Cela n’a pour autant strictement rien à voir avec l’obligation faite à toute la population de porter un masque, et maintenant pourquoi pas en extérieur, après la période épidémique en juillet et en août.

 

7, les infirmières de blocs, les réanimateurs, les chirurgiens dont le métier s’exerce avec un masque n’en reviennent pas de la stupidité de l’affirmation selon laquelle les masques seraient dangereux, des nids à microbes...

Peut-être pourriez-vous transmettre l’information au conseil scientifique, ou en tout cas à Lila Bouadma qui expliquait dans une vidéo qu’il était loin d’être simple de porter un masque, et que c’était une fausse sécurité si on l’utilise mal, voire une « catastrophe » (https://www.youtube.com/watch?v=a1pGAfWjf5c). Ne voyez-vous vraiment aucune différence entre :

·         des personnels soignants qui sont informé-e-s sur le protocole à respecter pour utiliser un masque, dont c’est effectivement le métier, qui le changent extrêmement régulièrement, etc.

·         le grand public dont une bonne partie n’a aucune conscience (comment pourrait-il en être autrement) des risques et conditions à respecter, et qui doit faire face à de multiples contraintes pour l’utiliser au cours de la journée (on le met sans forcément se laver les mains, on l’enlève, sous le nez, sur le nez, sur le cou, sur le coude là où on a éventuellement éternué, on le remet, on tousse on parle avec et on le garde, on l’utilise plusieurs jours, sans forcément le laver, etc.), et qui n’a pas les 200€/mois/famille estimés par Le Parisien à dépenser pour avoir le nombre de masques suffisant

Vous ne voyez vraiment pas de différence entre les deux propositions ? Et donc, on peut s’attendre d’après vous à la même efficacité ? Je pense qu’il est raisonnable de penser qu’on est loin de la même efficacité de protection, ce qu’expliquait d’ailleurs pendant l’épidémie le gouvernement, le conseil scientifique et l’OMS.

 

10, au total, la situation actuelle n’est pas catastrophique, elle est préoccupante. Elle deviendrait inquiétante si on n’accroissait pas les « mesures barrières » dont le port du masque dans la foule est l’un des éléments notables.

Malheureusement, cette synthèse relève plus de la pensée magique que d’un raisonnement scientifique. Reprenons votre élève incompétent J.-F. Toussaint, qui affirme que 40% des hospitalisations cet été sont dues à des contractions du virus à l’étranger. Nous avons là quelque chose de tangible (si c’est vérifié : personnellement, je n’ai pas encore trouvé de données officielles là-dessus), sur quoi baser une hypothèse : fermons les frontières et nous verrons illico baisser le nombre d’hospitalisations de 40%. Après quoi, si nous constatons que cela baisse de moins de 40%, on pourra dire : « Attention, ça a baissé moins que prévu, c’est donc qu’il se passe quelque chose à la hausse, à surveiller ». Au contraire, si cela baisse de plus de 40%, on pourra être d’autant plus rassurés et se dire qu’en plus de l’effet escompté, l’épidémie continue de décroitre.

Mais, avec le port du masque obligatoire dans la population, dont l’effet escompté n’est pas objectivable (à moins que vous n’ayez des chiffres, une publication scientifique qui fasse consensus qui démontre qu’on réduit de x% les contaminations), on ne peut pas être démenti par les faits. C’est ce dont vous vous servez. Si, après la mise en place de la mesure, l’épidémie continue de diminuer, on dira que c’est grâce à la mesure. Si, au contraire, l’épidémie reprend, on dira qu’il était d’autant plus nécessaire de mettre la mesure en place. Mais on n’en sait rien ! Le seul « bon sens » fait foi, peut-être, mais pas science. Personne ne peut mesurer, objectiver, l’effet de cette mesure. On est plus proche de la pensée magique. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle nous assistons à une traque des scientifiques dont les oreilles dépassent. Puisqu’il n’y a pas de consensus scientifique sur la question, il faut donner l’apparence du consensus. Donc, un scientifique qui dit autre chose doit être disqualifié (« délire », « ivresse de notoriété », « pas de compétence »). De la même façon, Laurent Toubiana est accusé dans les médias de semer la confusion dans l’esprit des gens (mais personne ne peut lui dire qu’il a tort : c’est simplement qu’il ne faut plus dire ce qu’il dit maintenant).

Je ne vois malheureusement dans votre publication pas un « point objectif ». Or, j’ai beaucoup été marqué par la lecture de L’Antéchrist de Nietzsche (désolé), et il y précise, ce que j’apprécie beaucoup, qu’on est d’autant plus coupable qu’on se rapproche de la science. Que le quidam fasse preuve d’un manque d’objectivité, on peut le lui faire remarquer, mais pas forcément lui en vouloir. Mais que quelqu’un, dont c’est la formation, le métier, et l’ambition affichée, en fasse autant, on est légitime à en attendre davantage.

Il n'y a pas de consensus scientifique sur les questions que vous présentez comme tranchées, objectivement et scientifiquement. Or, c'est un très grand problème pour l'image de la science dans le pays que des personnes identifiées comme "autorité scientifique", comme vous l'êtes, présentent un consensus qui n'existe pas. La science n'a jamais eu et n'aura jamais à présenter une Vérité unique et simplifiée jusqu'au simplisme. La science avance petit à petit, et pose toujours de nouvelles questions en tentant de répondre aux précédentes. La conséquence prévisible de votre positionnement est de rejeter dans ce que les médias appellent le "complotisme", le "populisme", "l'anti-science", et maintenant le "covidoscepticisme" (puisque le scepticisme et le doute sont devenus une insulte) une grande partie de la population qui n'est pas plus convaincue que ne le sont un bon nombre de vos collègues scientifiques par votre analyse de la situation et des décisions prises. Je trouve en réalité assez curieux que vous parliez "des miens", et que vous n'interveniez que pour critiquer Didier Raoult ou maintenant Jean-François Toussaint, alors qu'il y a beaucoup d'autres problématiques qui frappent la science, ce qui ne peut que renforcer la défiance populaire envers la science vue comme une petite caste élitiste au service du pouvoir. Ceci doit être déconnecté.

dimanche 2 août 2020

Réponse à Olivier Berruyer et aux "défenseurs de la science" - Sortir la science de ce débat-traquenard

Dans L’Affaire Chloroquine, il a été relativement pénible d’être insulté pour ainsi dire quotidiennement comme membres d’une soi-disant secte complotiste populiste anti-science. Que cela vienne de médias comme Le Monde (par exemple ici) ou autres du même acabit, ne pouvait pas nous surprendre : ce sont leurs procédés habituels. Que cela vienne également de scientifiques invités sur les plateaux, c’est plus irritant. Que cela vienne de ceux qui se présentent comme des professionnels de l’esprit critique et de l’auto-défense intellectuelle, et qui subissent en temps normal ce genre d’anathèmes, c’en est vraiment déroutant. On s’attendrait en effet à ce que des Olivier Berruyer ou Jean Bricmont soient vaccinés, si j’ose dire, contre ces procédés : ils n’ont pas cessé de les employer. En toute logique, il est demandé à Olivier Berruyer : « Q6 – Pourquoi un tel acharnement à l’encontre de Didier Raoult ? ». Sa réponse vaut la peine d’être lue, tout d’abord parce que la plupart des « zététiciens » ou « défenseurs de la science et de sa méthode » ont disparu de la circulation, et ne semblent pourtant pas avoir trouvé d’autre menace pesant sur la science et son image dans notre société (c’est curieux), et Olivier Berruyer, lui, s’explique de manière moins passionnée, un petit peu moins passionnée. Malheureusement, il y reste l’essentiel des biais de raisonnements que nous avons pu rencontrer, et cela mérite donc une réponse :

 

« Parce que conformément à l’esprit de ce blog qui tente de défendre le principe d’ « auto-défense intellectuelle », nous estimons que notre devoir est d’aiguiser toujours un peu plus l’esprit critique de nos lecteurs. »

Rien à dire sur le principe, l’auto-défense intellectuelle et l’esprit critique ne seront jamais trop développés. En revanche, j’ai une grosse interrogation sur les priorités et sur l’équilibre que vous y donnez. Cela va être développé par la suite, mais plutôt qu’attaquer Didier Raoult, il y a depuis quelques mois toute une série de problèmes posés à la science et à la médecine qui me semblent bien plus graves :

- la mise en place du Remdesivir (au dossier pourtant aujourd’hui moins probant que HCQ)

- la tentation de passer outre les protocoles habituels pour placer un vaccin

- les conflits d'intérêts au sein du conseil scientifique

- le scandale de Recovery (dosage HCQ largement au-delà du surdosage, entre autres)

- l'absurdité puis la disparition de Discovery (basé sur un médicament non disponible)

- les mensonges (par des scientifiques et autorités sanitaires) sur toxicité HCQ ou sur l'inefficacité

- l'arnaque scientifique du siècle (publications rétractées dans Lancet/NEJM après données inventées)

- l'atteinte à la liberté de prescrire

- l'atteinte à la liberté d'expression (twitter, youtube, facebook ; validée par tous les médias)


- les justifications du confinement relevant purement et simplement de la pensée magique (Neil Ferguson, publié dans Nature)

- le seul "bon sens" (pourtant honni en temps normal) et la moraline pour justifier le port obligatoire du masque

Mais, pour tous ces sujets, on n’a trouvé personne, en dehors évidemment de la « secte anti-science »…

 

Ainsi, alors que la crise sanitaire battait son plein en raison d’une gestion de crise hautement critiquable par le gouvernement, nous avons vu un professeur – que le grand public ne connaissait pas ou peu – conseiller du gouvernement et proche de tout l’establishment LR de PACA et de Brigitte Macron, s’éloigner dangereusement de l’éthique et de la rigueur scientifique qui fondent son métier.

Est-ce à dire que Didier Raoult aurait agi pour des questions politiciennes ? On saisit mal. Il serait pro-LR ? ou pro-LREM avec son bras droit comme suggéré plus bas ? Quelle est l’idée derrière cette suggestion ?

Quant à « l’éthique et la rigueur scientifique », qui en a fixé le curseur ? Il faudrait définir les choses, plutôt qu’utiliser des mots creux. C’est bien l’éthique. La rigueur, c’est fantastique. Mais concrètement ? Quelle en est la définition ? Est-elle unique, ou y a-t-il plusieurs points de vue, historiquement, géographiquement, philosophiquement parlant, qui feraient que ces termes ne sont pas universellement admis ? Du coup, vos adversaires peuvent tout aussi bien proclamer éthique et rigueur scientifique (et Didier Raoult le fait), et sans forcément entendre la même chose. C’est un peu comme les « Droits de l’Homme ». Ah oui, très bien : qui serait contre ? Mais enfin, en Chine, aux USA, en France, en Arabie Saoudite, etc., la définition serait bien différente… Ce n’est pas que tout se vaut, c’est que prendre sa conception des choses pour une conception universellement admise, ou du moins la meilleure, pose problème. Peut-être Didier Raoult s’est-il écarté dangereusement de votre idée de l’éthique et de la rigueur scientifique. Exprimé comme cela, ce serait plus juste.

 

Nos « radars d’auto-défense intellectuelle » se sont alors naturellement déclenchés, d’autant plus qu’à mesure que Didier Raoult prenait ses distances vis-à-vis de la méthode scientifique, ce dernier prenait de plus en plus de place dans le jeu politico-médiatique – jusqu’à ce que nous ayons droit à des prime-time de Didier Raoult sur cette grande chaîne « antisystème » qu’est BFM-TV…

Là, on commence à sérieusement dériver. L’expression « la méthode scientifique » devrait plutôt être orthographiée : « LA Méthode scientifique ». Il n’y a pas une méthode scientifique, une seule façon de faire des sciences, une seule façon de faire un essai thérapeutique, une seule façon de découvrir des choses et de construire des connaissances. Il n’y a même pas besoin de se lancer dans de l’épistémologie détaillée : s’il n’y avait qu’une seule façon de faire, ce ne serait tout simplement plus de la science, mais de l’ordre des Dix Commandements. Etant donné qu’Olivier Berruyer prône l’esprit critique, il est assez inconcevable qu’il pense réellement qu’il n’y a qu’une seule façon de faire. Il s’agit donc plutôt, de sa part, mais également de la part de l’Académie de Médecine et finalement de tous ses détracteurs, d’une réduction malhonnête de la science à ce qu’ils reprochent à Didier Raoult de n’avoir pas fait : un essai randomisé en double aveugle. Il suffit de lire les publications scientifiques de ces derniers mois concernant COVID-19 pour se rendre compte que la part des essais RCT est tout à fait réduite : pourquoi diable ces revues dites scientifiques publient-elles des essais qui ne seraient même pas de la science, qui ne sont pas réalisées selon « le seul standard valable » ? Sont-elles au courant qu’elles publient à tour de bras de l’anti-science ? Soyons sérieux.

J’ai envie de passer sur le terme « antisystème », utilisé de manière assez ridicule. Déjà parce Raoult ne s’est pas défini ainsi. Que certains, parmi ses défenseurs, l’aient fait est fort possible ; mais on ne réduira pas une problématique en raillant un effet collatéral absolument incontrôlé. « Antisystème » n’est pas une notion opérante, elle n’a pas beaucoup de sens, mais sert uniquement aux adversaires des contestataires à les tourner en dérision avec des arguments stupides mais pourtant porteurs du style : « Ah ! tu condamnes le système, mais tu utilises ton smartphone pour le faire sur Facebook. » Personne ne pouvant vivre en dehors ce qui s’appellerait alors le « Système », être « antisystème » est impossible. Il est donc facile d’attaquer quelqu’un qui se positionnerait de cette façon. C’est ce que vous faites ici. Or, face au déluge d’attaques et d’insultes, aurait-il du ne jamais faire entendre sa voix, en dehors de sa propre communication sur le site de l’IHU ? De toute façon, sa communication par le site de l’IHU lui est également reprochée. Qu’il fasse blanc ou noir, ou gris, ou rouge, ça ne convenait de toute façon pas.

 

Alors que plusieurs médecins et scientifiques alertaient sur le caractère « anti-scientifique » et manipulatoire de son essai, très peu de médias ont décidé d’enquêter sérieusement sur le sujet. Cela s’explique en partie du fait que le temps scientifique est incompatible avec le temps médiatique, et en partie car les médias se sont encore plus transformés en vendeurs de temps de cerveau disponible à l’affut du moindre buzz.

Effectivement, on ne demandera plus aux médias d’enquêter, encore moins sérieusement. On n’y croit plus. Cela étant dit, avez-vous décidé de compenser ce vide lors de la publication du Lancet ? Non, c’est « l’anti-science » qui l’a fait.

Avez-vous mené un travail d’investigation sur la question du confinement (où est la science dans cette stratégie ? quelles sont les preuves d’efficacité ?) : toujours pas, vous en êtes resté à la manière de Neil Ferguson, à des estimations de morts rocambolesques, qui, ne s’étant pas produites, justifient selon lui que le confinement a sauvé un nombre tout aussi rocambolesque de personnes, au moyen s’il le faut de pensée magique (le R0 se promenant autour de 5-6 dans tous les pays, et paf ! le jour-même du confinement, qu’il soit inexistant comme en Suède ou aveugle et policier comme en France, le R0 tombe en-dessous de 1).

Avez-vous produit une analyse critique des résultats « négatifs » annoncés très régulièrement dans les médias à propos de HCQ (il serait intéressant de compter le nombre d’articles qui ont annoncé que HCQ ne marche pas, et de comparer à la proportion d’études positives parmi toutes les études menées) ? Jamais.

Prenons l’exemple de  l’étude française sur les singes, maintenant publiée dans Nature, et génératrice d’un article d’Europe 1  annonçant encore une fois la « fin de partie » pour HCQ. Vous avez brandi à plusieurs reprises cette étude pour prouver que HCQ ne marche pas, et notamment face à Raphael Liogier. Or, cette étude est fort peu conclusive, pour être gentil :

1/ les auteurs déclarent qu'aucun singe du groupe contrôle n'a développé de forme grave comparable aux formes sévères humaines. Vous admettrez qu’il devient difficile dans ces conditions de prouver qu'un traitement a un effet.

2/ il faudrait, pour y parvenir, un très grand effectif. C'est raté, très peu de singes dans chaque groupe.

3/ l'étude montre pourtant un bénéfice de HCQ : moins de lésions pulmonaires chez les singes traités que chez les singes du groupe contrôle (encore que des données manquent en fin de test, ce qui réduit encore les chances d’exploiter l’étude). Mais pas significatif, évidemment, dans ces conditions.

4/ je dis "raté" concernant les effectifs, et je n'en suis pas sûr. Pourquoi, avec un si petit nombre d'animaux testés, avoir fait autant de groupes ? Ça n'a pour effet que de diluer l'espoir de trouver une différence significative... C'est tellement évident que j'ai du mal à penser que c'est involontaire.

 

Passons sur « plusieurs médecins et scientifiques », l’argument n’est pas sérieux. Plusieurs médecins et scientifiques affirment également que le confinement n’a servi à rien, et que les masques obligatoires dans la population ne servent à rien : en concluez-vous que confinement et masques sont inutiles ? Non. A tout le moins, un travail d’esprit critique serait de voir quels sont ces médecins et scientifiques, et si leurs déclarations ne peuvent être entachées par un « passé scabreux » ou une situation de conflit d’intérêts. Mais ce travail n’a été fait que contre Didier Raoult.

L’investigation critique est donc à géométrie variable.



Il faut de longues semaines pour découvrir une nouvelle maladie infectieuse, la décrire, découvrir son origine microbienne et expliquer sa transmission. Dans l’urgence d’une épidémie, on espère la même vitesse pour les découvertes thérapeutiques et on comprend mal les délais nécessaires à l’obtention d’un nouveau traitement efficace.

Pour ma part, je n’espérais pas quelque chose de déraisonnable pour ne pas dire impossible : qu’un traitement apparaisse dans les quelques semaines après la découverte de cette nouvelle maladie, ayant validé toutes les étapes habituelles. C’est justement parce que cela ne pouvait pas se produire, et face à l’obligation qui est faite de traiter les malades, qu’il fallait admettre qu’on les traiterait avec un niveau de preuve plus faible que d’habitude (ce qui implique une vigilance plus grande). C’était ma position en février. Nous sommes le 2 août, et il n’existe à ce jour aucun traitement qui fasse consensus scientifique. Pourtant, entre l’apparition de la maladie et le 2 août, il fallait bien traiter les gens, et tenter des choses. Donc tester les anti-viraux disponibles. HCQ est utilisée, connue et maitrisée de très longue date, et à très grande échelle : je sais bien que vous avez enquêté sur les grands dangers de cette molécule, mais ce n’est malheureusement pas sérieux. Ces dangers, connus, justifient qu’une telle molécule soit délivrée sur ordonnance uniquement ; ils ne justifient en aucun cas l’interdiction de prescrire.

 

Les premiers à tomber dans cet écueil sont les mondes médiatiques et politiques, habitués au temps court et peu enclin à comprendre la nuance dès lors que leur principal objectif reste avant tout de gagner des points (d’audience ou de sondage). Cette obsession de l’instantané et de la réponse toute prête rentre en contradiction totale avec le monde de la science qui exige du temps et se heurte à beaucoup d’obstacles.

Pourtant, Didier Raoult s’est largement prêté à ce sombre jeu politico-médiatique et a ainsi tout fait pour entretenir, non pas des doutes raisonnables, mais une polarisation de l’opinion publique autour d’une certitude sans fondement : la grande efficacité qu’aurait son protocole.

Or, en Science, tout repose sur « l’art du doute ». Il faut toujours douter, raisonnablement, jusqu’à l’obtention de démonstrations solides, en se tenant à distance des dogmes, préjugés et idées reçues.

Il nous a donc paru important, à la fois de faire tomber le voile de l’idéalisation du personnage (largement due à son incroyable médiatisation), mais aussi d’attirer l’attention de nos lecteurs sur les manipulations de cet individu, amplifié par son bras droit, député suppléant LREM (et qu’attendre de telles personnes au niveau de l’intégrité ?).

Comme à notre habitude, nous avons fait en sorte que chacun puisse exercer une « auto-défense intellectuelle », et ainsi ne pas devenir esclave de ses propres certitudes. Chacun est bien libre de croire ce qu’il veut, mais nous le sommes aussi de montrer des fraudes grotesques quand elles apparaissent sous nos yeux, sur un domaine que nous connaissons bien.

A l’heure où notre société fonctionne de plus en plus dans l’affrontement et le « pour ou contre », ou plutôt le « pour tout ce qui est contre ce que je n’aime pas » (une fausse logique d’association malsaine), il nous paraît indispensable de lutter contre cette dérive du manichéisme de la pensée, largement alimentée par les grands médias, où la notion d’esprit critique n’est plus utilisée pour douter raisonnablement mais pour asseoir des certitudes idéologiques. Ces visions polarisées et passionnées empêchent de comprendre les évènements, et donc d’agir correctement.

Ainsi, au début de la crise et durant tout son cours, notre position invariable sur le sujet a été la suivante :

« Le traitement de Didier Raoult est peut-être efficace – nous l’espérons mais les éléments dont nous disposons ne sont pas suffisamment solides pour en être certains. Par ailleurs, sa méthodologie hautement critiquable et sa communication à base de certitudes doivent nous amener à la prudence, à la patience et au doute raisonnable – bref, à l’auto-défense intellectuelle ».

Vous l’aurez compris, pour nous, cet épisode est loin d’avoir été une « exception ». Il s’inscrit parfaitement dans la ligne du blog et nous l’avons traité de la même manière que nous aurions traité une tribune vantant les mérites de l’austérité budgétaire, une chronique d’un éditocrate ultra-libéral, ou une n-ième sortie de BHL sur la démocratie en Libye…

Tristement, cette affaire Raoult a rapidement quitté le domaine de la science médicale pour basculer du côté « politique », ce qui explique les réactions très vives de part et d’autre. Et c’est pourquoi, la majorité des soutiens et les détracteurs de Raoult se rangeaient respectivement dans des groupes politiques assez facilement identifiables. Dès lors, notre positionnement a également été vécu par certains d’entre vous comme un positionnement politique.

Absurde, il faut bien le dire. L’équipe de Didier Raoult a produit la plus grande série sur cette maladie avec près de 4000 personnes traitées. Ces personnes ont-elles été traitées par des slogans électoraux ? des tracts militants ? L’IHU de Marseille a fait ce pour quoi il a été créé, il a fait son boulot, et son boulot c’est de la science et de la médecine. Affirmer le contraire (« il a quitté le domaine de la science médicale ») est une aberration qui disqualifie absolument le propos.

La discussion n’a pas été celle qu’elle aurait du être. Elle a été : « est-ce que le traitement proposé par Didier Raoult marche ou pas ? » (pire encore, elle s’est focalisée sur la personne de Didier Raoult). C’est d’ailleurs la question posée par des sondeurs, à laquelle 80% des sondés ont répondu soit oui, soit non ; ce qui fait dire à Etienne Klein que les gens ne savent pas dire « je ne sais pas ». Je suis d’accord avec lui sur ce point, il faut absolument savoir dire « je ne sais pas » ; mais il est pour le moins particulier de reprocher au quidam de répondre à une question qu’on lui pose (dans notre régime, on lui demande d’ailleurs assez rarement son avis), sans questionner en premier lieu la question elle-même. La question est stupide : elle n’a pas de réponse. Pourquoi la poser ? Cela n’avait pas de sens. La question qu’il était opportun de poser à des citoyens était : « faut-il, en l’état actuel des connaissances, utiliser le traitement X , Y, Z ? ». Ça, c’est une question politique, non scientifique, et c’est bien le politique qui y a répondu. En démocratie, en théorie le citoyen est souverain, il était logique qu’il puisse s’emparer de cette question. On pourrait tout à fait imaginer une société qui déciderait qu’il est rigoureusement interdit pour un médecin de prescrire un médicament qui n’a pas été testé par un essai RCT. Ou, au contraire, une société où tous les médicaments seraient en vente libre. Nous ne sommes, et c’est sans doute heureux, dans aucun de ces deux cas, par « décision » politique, pas par le fait d’une Vérité scientifique et médicale qui s’imposerait d’elle-même.

« Faut-il, en l’état actuel des connaissances, utiliser le traitement proposé par Didier Raoult ? » A cette question, j’aurais personnellement répondu « oui » sans hésiter, car, en février, HCQ était le traitement avec le meilleur niveau de preuve disponible, et il était disponible (au contraire du Remdesivir, sur lequel a été basée la stratégie du Conseil scientifique et de Discovery, ce qui est un fiasco absolu sur lequel Olivier Berruyer n’a rien dit si ce n’est que c’était la faute à Raoult). C’était le traitement au meilleur niveau de preuve disponible parce qu’il y a une documentation scientifique sur ce sujet, et que les Chinois l’ont recommandé. Les Chinois, face à cette nouvelle maladie, ont balancé les antiviraux connus dans l’espoir qu’il y en ait qui s’avèrent efficace. On traite du mieux qu’on peut en fonction de ses connaissances (issues de la production scientifique).

 

 

État des connaissances disponibles en février sur CQ/HCQ (source c19study.com) :

20/02/2020

Jiang et al., Chin. J. Tuberc. Respir. Dis., 2020, 43, doi:10.3760/cma.j.issn.1001-0939.2020.0019 (Peer Reviewed)

Expert Consensus on Chloroquine Phosphate for the Treatment of Novel Coronavirus Pneumonia

19/02/2020

Gao et al., BioScience Trends, 2020, doi:10.5582/bst.2020.01047 (Peer Reviewed)

Breakthrough: Chloroquine phosphate has shown apparent efficacy in treatment of COVID-19 associated pneumonia in clinical studies

17/02/2020

Sun Yanrong, deputy head of the China National Center for Biotechnology Development (News) (not included in the study count)

Antimalarial drug confirmed effective on COVID-19

04/02/2020

Wang et al., Cell Res. 30, 269–271, doi:L10.1038/s41422-020-0282-0 (Peer Reviewed) (In Vitro) (not included in the study count)

Remdesivir and Chloroquine effectively inhibit the recently emerged novel coronavirus (2019-nCoV) in vitro

2014

de Wilde et al., Antimicrobial Agents and Chemotherapy, Jul 2014, 58:8, 4875-4884, doi:10.1128/AAC.03011-14 (Peer Reviewed) (In Vitro) (not included in the study count)

Screening of an FDA-Approved Compound Library Identifies Four Small-Molecule Inhibitors of Middle East Respiratory Syndrome Coronavirus Replication in Cell Culture

2012

Yan et al., Cell Research, 23, 300–302, doi:10.1038/cr.2012.165 (Peer Reviewed) (not included in the study count)

Anti-malaria drug chloroquine is highly effective in treating avian influenza A H5N1 virus infection in an animal model

2009

Keyaerts et al., Antimicrob. Agents Chemother, August 2009, 53(8), doi:0.1128/AAC.01509-08 (Peer Reviewed) (not included in the study count)

Antiviral Activity of Chloroquine against Human Coronavirus OC43 Infection in Newborn Mice

2008

Kono et al., Antiviral Research, 77:2, February 2008, 150-152, 10.1016/j.antiviral.2007.10.011 (Peer Reviewed) (In Vitro) (not included in the study count)

Inhibition of human coronavirus 229E infection in human epithelial lung cells (L132) by Chloroquine: Involvement of p38 MAPK and ERK

2006

Savarino et al., Lancet Infect. Dis., doi:10.1016/S1473-3099(06)70361-9 (Peer Reviewed) (In Vitro) (not included in the study count)

New insights into the antiviral effects of chloroquine

2005

Vincent et al., Virol. J. 2:69, 2005, doi:10.1186/1743-422X-2-69 (Peer Reviewed) (In Vitro) (not included in the study count)

Chloroquine is a potent inhibitor of SARS coronavirus infection and spread

2004

Keyaerts et al., Biochem. Biophys. Res. Comm., 323:1, 8 October 2004, doi:10.1016/j.bbrc.2004.08.085 (Peer Reviewed) (In Vitro) (not included in the study count)

In vitro inhibition of severe acute respiratory syndrome coronavirus by chloroquine

2003

Savarino et al., Lancet Infect. Dis., doi:10.1016/S1473-3099(03)00806-5 (Peer Reviewed) (Theory) (not included in the study count)

Effects of chloroquine on viral infections: an old drug against today's diseases


On est loin, à ce moment-là, d’une idée plus ou moins farfelue sortie du chapeau d’un druide au passé scabreux. Il s'agit de l'hypothèse la plus probable. A ce compte-là, l'urgence d'enquêter sur le messager de cette hypothèse parait moins pressante.

Bien sûr, il restait des incertitudes : comme il a été dit, la « bouée » HCQ pouvait s’avérer être un parpaing. Mais, il ne s’agissait pas de s’engager pour un contrat forcé : puisqu’il n’y avait pas de consensus scientifique sur la question, la prudence était de mise, la surveillance devait être maximale, et à la moindre suspicion sérieuse (autre chose que d’aller repêcher un gusse dans son aquarium parce qu’il a cru se protéger en avalant un comprimé où il y aurait eu de la chloroquine, si vous voyez ce que je veux dire), on suspend. Par ailleurs, et surtout, l’alternative proposée était un parpaing absolument évident : « Restez chez vous et prenez du doliprane ». Le doliprane est tout à fait risqué, et les Chinois avaient alerté sur le fait que des patients se sentaient plutôt pas mal et avaient pourtant des lésions pulmonaires très sérieuses, confirmé en France par l’équipe « en dehors de la science et de la médecine » selon vous, de l’IHU de Marseille.

Bien sûr, des gens ont estimé certain que HCQ « marchait », Didier Raoult le premier et comment pouvait-il en être autrement ? Il était certain qu’on n’avait pas mieux. De là à y voir un « remède miracle » ou une « potion magique », c’est absolument ridicule et c’est utilisé encore une fois uniquement par les détracteurs pour se donner une supériorité intellectuelle sur ces abrutis arriérés qui suivent leur gourou anti-science.

Mais, de l’autre côté, beaucoup ont également affirmé que HCQ « ne marchait pas ». Ce qui était au moins aussi faux, et que vous n’avez jamais contredit, bien au contraire. Pas besoin d’auto-défense intellectuelle ? Pourtant, le traitement a été rendu inaccessible à la médecine de ville (après avoir été à juste titre, je défends Buzyn sur ce point, interdit à la vente libre), et réservé « notamment » aux cas graves dans les hôpitaux : le risque était une sous-utilisation d’un médicament potentiellement bénéfique, plutôt qu’une sur-utilisation d’un médicament potentiellement néfaste. Mais vous ne vous êtes occupés que des pro-. Curieuse hémiplégie dans l’auto-défense intellectuelle.

Aujourd’hui, 75% des études (publiées ou encore en pré-print) montrent des bénéfices de HCQ. Celles qui n’y parviennent pas ont testé une utilisation tardive qui n’a pas, on le sait depuis le début, beaucoup de sens. Pour autant, à titre personnel, je ne suis toujours pas convaincu par l’efficacité de ce traitement. Même une étude RCT dont vous rêvez ne me convaincrait pas définitivement (on a des exemples de fumisteries sous RCT, aucun problème là-dessus). L’art du doute, ça me connaît. En revanche, politiquement, il fallait prendre une décision (quitte à changer, une fois de nouvelles informations connues). Politiquement. Oui, c’était une question politique, et vous faites mine de l’ignorer, et de faire croire que c’est à cause de Raoult, sorti de la science et de la médecine pour faire de la politique, que ça a dégénéré. Pas du tout. Nous citoyens, n’avons pas à être experts ; en revanche, nous avons à nous exprimer sur une politique à conduire en fonction des connaissances.

 

Je reconnais que le ton adopté dans nos articles traduisait une exaspération à la fois face à la proportion que l’affaire a prise, et face à une incapacité à rendre audible un argument pourtant très simple : nous ne sommes pas anti-chloroquine, nous voulons simplement un essai clinique randomisé robuste pour trancher la question conformément à la démarche scientifique. Mais à l’évidence, c’était impossible à entendre par beaucoup, car à ce moment là, Didier Raoult était déjà devenu un symbole intouchable, une icône politique, pour tous ceux qui à raison s’insurgent contre la faillite des autorités.

On échappe, pour une fois, au qualificatif « gourou », c’est toujours ça de pris. Personnellement, mon esprit critique et mon auto-défense intellectuelle me conduisent à mettre en doute les sempiternels rouleaux compresseurs contre une brebis galeuse. Je sais bien que vous tentez de faire croire que Didier Raoult est « mainstream », vu qu’il passe en « prime time » etc. Entre février et aujourd’hui le 2 août, nous avons eu un tsunami d’insultes dans tous les médias, de la part des éditorialistes, des « quelques médecins et scientifiques » dont vous parlez, et plus grave encore selon moi des zététiciens et autres champions de l’esprit critique sur le net. Ce tombereau d’insultes visait à faire de Raoult un gourou d’une secte anti-science, secte populiste et complotiste. Ces accusations sont absurdes. A partir de là, il est logique qu’elles soient rejetées. Si je dis qu’Olivier Berruyer mange des petits enfants dans sa cave, qu’en conséquence tous ceux qui suivent son site sont des adeptes d’une secte dangereuse, et donc que toute la statistique est à jeter par la fenêtre, on rejetterait en bloc ce que je prétends, et j’en conclurais que c’est normal puisque ces gens sont endoctrinés. La logique d’anathème et d’accusation absurde excessive ne mène à rien.

Moi-même, à un moment donné, lassé d’être insulté quotidiennement, j’ai pu traiter les personnes comme vous de « prêtres d’une religion scientiste ». J’ai vite arrêté, puisque cela ne mène strictement à rien, si ce n’est à renforcer les antagonismes entre les deux « camps ». Or, je défends la science, sa démarche, et l’esprit critique, comme le prétendent mes contradicteurs : à un moment donné, il faut pouvoir retrouver la raison et travailler à des ponts, plutôt que se complaire chez soi à se donner une supériorité sur les autres d’en face.
Arrêtez de nous traiter de secte, d’anti-science… et vous verrez que les échanges gagneront en qualité.

Par ailleurs, Raoult a ciblé les attaques puisqu’il a porté le message. Mais la question n’est pas Raoult. Supprimons purement et simplement les études menées par l’IHU de la liste des études concernant HCQ vs. SARS-CoV2, et je n’aurais pas à bouger d’un millimètre : à ce jour, HCQ est toujours le traitement au meilleur niveau de preuve disponible (quand bien même ce n’est pas parfait, ni ne fait consensus). Et un traitement, même imparfait, c’est mieux que pas de traitement du tout, ne serait-ce que dans la prise en charge des malades qui ont droit à ce qu’on tente ce qu’on peut plutôt que leur dire qu’on ne fera rien. Personne ne peut être en désaccord avec ça, et c’est d’ailleurs ce qu’explique Eric Caumes : même sans être sûrs, c’est ce qu’ils ont fait, ils ont tenté HCQ, parce qu’ils étaient bien obligés. A cette lumière, l’acharnement anti-Raoult apparait vraiment pour ce qu’il est : absurde, dérisoire, déplacé.

 

Quand nous avons mesuré les problèmes scientifiques à l’IHU de Marseille, nous avons tenté de démystifier le personnage. C’est là que avons découvert un Raoult au passé scabreux, et nous avons voulu tout vous montrer, preuve à l’appui, dans l’espoir de faire tomber le voile de l’idéalisation de la personne, et éveiller chez vous la méfiance et le doute nécessaire à la réflexion scientifique. Ce doute était paralysé par le militantisme de tout à chacun. Il est évident que de notre côté nous n’avons pas été assez subtils, et c’était une erreur de commencer par vous présenter cette facette du personnage hors du champ scientifique, avant de vous exposer les manipulations liées à ses travaux scientifiques.

Pas du tout. Encore une fois, prouvez que Didier Raoult est en fait la réincarnation de Jack l’Eventreur, ça ne changera pas que, en février, et aujourd’hui plus encore, HCQ est le traitement au meilleur niveau de preuve disponible, et qu’il était absurde de s’en passer. Point. Vous fabriquez une sur-idéalisation en attaquant de manière absolument démesurée et malhonnête Didier Raoult.

Nous avons bien pris acte des réactions de certains d’entre vous : à l’avenir, nous nous engageons à être plus clairs dans nos intentions, pour que la confiance que vous nous apportez depuis des années reste inchangée.

Et pour ceux qui continuent de nous demander quel laboratoire nous a corrompu et avec quel montant (merci de nous faire rire dans cette période difficile), nous rappellerons deux choses :

1/ Penser que « critiquer Raoult et ses méthodes » revient à « être à la solde de Big Pharma » constitue un parfait exemple de manichéisme de la pensée (tout blanc ou tout noir). La réalité est évidemment bien plus nuancée et ce refus de la nuance est aux antipodes de l’auto-défense intellectuelle que nous défendons sur ce site.

Je suis bien d’accord, et je prends acte à mon tour que vous serez plus clairs à l’avenir (plus clair signifie à mon avis plus impartial et plus équilibré, je ne sais pas si vous entendez la même chose). Il est hallucinant, par exemple, de n’avoir pas lu le millième de critiques contre les membres du conseil scientifique en situation de conflit d’intérêts dans cette histoire : ils nous ont mené dans l’impasse de Discovery, c’est une véritable catastrophe scientifique et médicale, bien pire que tout ce que vous reprochez à Raoult. C’est une catastrophe pour l’image de la science pour les citoyens, et cela ne peut qu’engendrer une légitime défiance. C’était donc au monde scientifique, à celui de la médiation, de travailler ces questions : vous ne l’avez pas fait.

 

2/ Contrairement à Didier Raoult, nous estimons que la démocratisation de la Science ne doit pas passer par une mise à distance des mathématiciens ou par la création d’une médecine par les sondages, mais bien par :

Faux. Didier Raoult n’a pas fait appel aux sondages pour établir une vérité scientifique. Il a fait appel au peuple sur la question de la stratégie à adopter durant cette crise. Bien au contraire, il s’est défini comme « sachant » et « expert », en critiquant l’expertise du conseil scientifique, ce n’était pas pour demander au quidam si HCQ est mieux que ZHT ou XYZ. Raoult a défini le protocole : il n’a pas fait un micro-trottoir à Marseille pour recueillir l’avis des gens. Le politique a dit : non. Le politique pouvait dire oui. Le politique c’est-à-dire les citoyens. Critiquez justement Didier Raoult, et vous verrez que vous aurez des réponses argumentées. Si vous critiquez aussi fallacieusement, ne vous étonnez pas, qu’en retour, on rejette avec moins de discernement vos propos.

 

– la nationalisation de Sanofi, rachetée au prix de l’actif net, et interdiction de dividendes. ;

– l’augmentation de la taxation des autres laboratoires sur leurs activités en France (tels Gilead et Abbvie) ;

– l’obligation de réaliser les essais cliniques de phase III par le secteur public pour les plus importantes molécules afin de s’assurer qu’aucun biais n’en modifie la conclusion ;

– l’obligation de rendre public les résultats des essais privés ;

– l’interdiction des visiteurs médicaux payés les laboratoires ;

– l’interdiction de toute rémunération de médecins par les laboratoires.

Bref, n’ayez crainte, aucun laboratoire pharmaceutique ne soutiendra un tel programme…

En conclusion, si « Big Pharma » ment et manipule parfois (et nous continuerons à le dire, comme nous l’avons par exemple montré ici : https://www.les-crises.fr/cholesterol-le-grand-bluff-le-do…/), ce n’est pas pour autant que tout critique (réel ou apparent) de Big Pharma est honnête, « Big Université » ou « Big Mandarin » n’ont parfois rien à envier aux multinationales en terme d’intégrité.

Là-dessus, nous sommes d’accord, mais il est déplorable que vous n’ayez rien publié, par exemple, sur Gilead, dont les manœuvres sont gravissimes dans cette crise, en parallèle de votre « acharnement » sur Didier Raoult. Acharnement qui, je le répète en conclusion, était à côté de la plaque puisque ce n’est pas la personne Didier Raoult qui était l’enjeu, c’était la stratégie politique pour faire face à cette crise. Nous ne serons peut-être pas d'accord sur ce qu'il fallait faire, mais n'en faites pas le combat de la science contre l'anti-science.

La stratégie « Restez chez vous et prenez du doliprane » était à mon sens la pire possible (si on ne diagnostique pas et ne traite pas, on ne risque pas de soigner qui que ce soit, on ne risque pas non plus de progresser dans la compréhension de la maladie, mais là-dessus au moins avez-vous reconnu que Raoult avait fait avancer les choses sur les séquelles induites par la prise en charge trop tardive : comment-a-t-il fait sans faire de science ni de médecine ? ça doit être un miracle).

Il était donc possible de cultiver l’art du doute, l’esprit critique, la démarche scientifique et de prôner l’utilisation de HCQ (en tout cas jusqu’à ce qu’on trouve mieux). Vous le déniez, et c’est le biais dans lequel vous êtes pris. Ce faisant, je ne pense pas que vous rendiez service à la science, en la faisant paraître (même si ce n'est certainement pas le cas vous concernant) comme inféodée aux grands intérêts industriels et politiques. On peut douter de l'efficacité de HCQ, encore aujourd'hui ; mais on peut et on doit douter de tous les points que j'ai cités plus haut. Or, si le doute apparaît à géométrie variable, qui peut faire confiance à cette démarche?