Dans L’Affaire Chloroquine, il a été relativement
pénible d’être insulté pour ainsi dire quotidiennement comme membres d’une soi-disant
secte complotiste populiste anti-science. Que cela vienne de médias comme Le
Monde (par exemple ici)
ou autres du même acabit, ne pouvait pas nous surprendre : ce sont leurs
procédés habituels. Que cela vienne également de scientifiques invités sur les
plateaux, c’est plus irritant. Que cela vienne de ceux qui se présentent comme
des professionnels de l’esprit critique et de l’auto-défense intellectuelle, et
qui subissent en temps normal ce genre d’anathèmes, c’en est vraiment
déroutant. On s’attendrait en effet à ce que des Olivier Berruyer ou Jean
Bricmont soient vaccinés, si j’ose dire, contre ces procédés : ils n’ont
pas cessé de les employer. En toute logique, il est demandé à Olivier Berruyer :
« Q6
– Pourquoi un tel acharnement à l’encontre de Didier Raoult ? ».
Sa réponse vaut la peine d’être lue, tout d’abord parce que la plupart des « zététiciens »
ou « défenseurs de la science et de sa méthode » ont disparu de la
circulation, et ne semblent pourtant pas avoir trouvé d’autre menace pesant sur
la science et son image dans notre société (c’est curieux), et Olivier
Berruyer, lui, s’explique de manière moins passionnée, un petit peu moins
passionnée. Malheureusement, il y reste l’essentiel des biais de raisonnements
que nous avons pu rencontrer, et cela mérite donc une réponse :
« Parce que conformément à l’esprit de ce blog qui tente de
défendre le principe d’ « auto-défense intellectuelle », nous estimons que
notre devoir est d’aiguiser toujours un peu plus l’esprit critique de nos
lecteurs. »
Rien
à dire sur le principe, l’auto-défense intellectuelle et l’esprit critique ne
seront jamais trop développés. En revanche, j’ai une grosse interrogation sur
les priorités et sur l’équilibre que vous y donnez. Cela va être
développé par la suite, mais plutôt qu’attaquer Didier Raoult, il y a
depuis quelques mois toute une série de problèmes posés à la science et à la
médecine qui me semblent bien plus graves :
- la mise en place du Remdesivir (au dossier pourtant
aujourd’hui moins probant que HCQ)
- la tentation de passer outre les protocoles
habituels pour placer un vaccin
- les conflits
d'intérêts au sein du conseil scientifique
- le scandale de
Recovery (dosage HCQ largement au-delà du surdosage, entre autres)
- l'absurdité puis la
disparition de Discovery (basé sur un médicament non disponible)
- les mensonges (par
des scientifiques et autorités sanitaires) sur toxicité HCQ ou sur
l'inefficacité
- l'arnaque
scientifique du siècle (publications rétractées dans Lancet/NEJM après données
inventées)
- l'atteinte à la
liberté de prescrire
- l'atteinte à la
liberté d'expression (twitter, youtube, facebook ; validée par tous les médias)
- les justifications du confinement relevant
purement et simplement de la pensée magique (Neil Ferguson, publié dans Nature)
- le seul "bon
sens" (pourtant honni en temps normal) et la moraline pour justifier le
port obligatoire du masque
Mais,
pour tous ces sujets, on n’a trouvé personne, en dehors évidemment de la « secte
anti-science »…
Ainsi, alors que la crise sanitaire battait son plein en raison
d’une gestion de crise hautement critiquable par le gouvernement, nous avons vu
un professeur – que le grand public ne connaissait pas ou peu – conseiller du
gouvernement et proche de tout l’establishment LR de PACA et de Brigitte
Macron, s’éloigner dangereusement de l’éthique et de la rigueur scientifique
qui fondent son métier.
Est-ce
à dire que Didier Raoult aurait agi pour des questions politiciennes ? On
saisit mal. Il serait pro-LR ? ou pro-LREM avec son bras droit comme
suggéré plus bas ? Quelle est l’idée derrière cette suggestion ?
Quant
à « l’éthique et la rigueur scientifique », qui en a fixé le
curseur ? Il faudrait définir les choses, plutôt qu’utiliser des mots
creux. C’est bien l’éthique. La rigueur, c’est fantastique. Mais
concrètement ? Quelle en est la définition ? Est-elle unique, ou y
a-t-il plusieurs points de vue, historiquement, géographiquement,
philosophiquement parlant, qui feraient que ces termes ne sont pas
universellement admis ? Du coup, vos adversaires peuvent tout aussi bien
proclamer éthique et rigueur scientifique (et Didier Raoult le fait), et
sans forcément entendre la même chose. C’est un peu comme les « Droits de
l’Homme ». Ah oui, très bien : qui serait contre ? Mais enfin,
en Chine, aux USA, en France, en Arabie Saoudite, etc., la définition serait
bien différente… Ce n’est pas que tout se vaut, c’est que prendre sa conception
des choses pour une conception universellement admise, ou du moins la
meilleure, pose problème. Peut-être Didier Raoult s’est-il écarté
dangereusement de votre idée de l’éthique et de la rigueur scientifique. Exprimé
comme cela, ce serait plus juste.
Nos « radars d’auto-défense intellectuelle » se sont alors naturellement
déclenchés, d’autant plus qu’à mesure que Didier Raoult prenait ses distances
vis-à-vis de la méthode scientifique, ce dernier prenait de plus en plus de
place dans le jeu politico-médiatique – jusqu’à ce que nous ayons droit à des
prime-time de Didier Raoult sur cette grande chaîne « antisystème » qu’est
BFM-TV…
Là,
on commence à sérieusement dériver. L’expression « la méthode
scientifique » devrait plutôt être orthographiée : « LA Méthode
scientifique ». Il n’y a pas une méthode scientifique, une seule façon de
faire des sciences, une seule façon de faire un essai thérapeutique, une seule
façon de découvrir des choses et de construire des connaissances. Il n’y a même
pas besoin de se lancer dans de l’épistémologie détaillée : s’il n’y avait
qu’une seule façon de faire, ce ne serait tout simplement plus de la science,
mais de l’ordre des Dix Commandements. Etant donné qu’Olivier Berruyer prône
l’esprit critique, il est assez inconcevable qu’il pense réellement qu’il n’y a
qu’une seule façon de faire. Il s’agit donc plutôt, de sa part, mais également
de la part de l’Académie de Médecine et finalement de tous ses détracteurs,
d’une réduction malhonnête de la science à ce qu’ils reprochent à Didier Raoult
de n’avoir pas fait : un essai randomisé en double aveugle. Il suffit de
lire les publications scientifiques de ces derniers mois concernant COVID-19
pour se rendre compte que la part des essais RCT est tout à fait réduite :
pourquoi diable ces revues dites scientifiques publient-elles des essais qui ne
seraient même pas de la science, qui ne sont pas réalisées selon « le seul
standard valable » ? Sont-elles au courant qu’elles publient à tour
de bras de l’anti-science ? Soyons sérieux.
J’ai
envie de passer sur le terme « antisystème », utilisé de manière
assez ridicule. Déjà parce Raoult ne s’est pas défini ainsi. Que certains,
parmi ses défenseurs, l’aient fait est fort possible ; mais on ne réduira
pas une problématique en raillant un effet collatéral absolument incontrôlé.
« Antisystème » n’est pas une notion opérante, elle n’a pas beaucoup
de sens, mais sert uniquement aux adversaires des contestataires à les tourner
en dérision avec des arguments stupides mais pourtant porteurs du style :
« Ah ! tu condamnes le système, mais tu utilises ton smartphone pour
le faire sur Facebook. » Personne ne pouvant vivre en dehors ce qui
s’appellerait alors le « Système », être « antisystème »
est impossible. Il est donc facile d’attaquer quelqu’un qui se positionnerait
de cette façon. C’est ce que vous faites ici. Or, face au déluge
d’attaques et d’insultes, aurait-il du ne jamais faire entendre sa voix, en
dehors de sa propre communication sur le site de l’IHU ? De toute façon,
sa communication par le site de l’IHU lui est également reprochée. Qu’il fasse
blanc ou noir, ou gris, ou rouge, ça ne convenait de toute façon pas.
Alors que plusieurs médecins et scientifiques alertaient sur le
caractère « anti-scientifique » et manipulatoire de son essai, très peu de
médias ont décidé d’enquêter sérieusement sur le sujet. Cela s’explique en
partie du fait que le temps scientifique est incompatible avec le temps
médiatique, et en partie car les médias se sont encore plus transformés en
vendeurs de temps de cerveau disponible à l’affut du moindre buzz.
Effectivement,
on ne demandera plus aux médias d’enquêter, encore moins sérieusement. On n’y
croit plus. Cela étant dit, avez-vous décidé de compenser ce vide lors de la
publication du Lancet ? Non, c’est « l’anti-science » qui l’a
fait.
Avez-vous
mené un travail d’investigation sur la question du confinement (où est la
science dans cette stratégie ? quelles sont les preuves
d’efficacité ?) : toujours pas, vous en êtes resté à la manière de Neil Ferguson, à
des estimations de morts rocambolesques, qui, ne s’étant pas produites,
justifient selon lui que le confinement a sauvé un nombre tout aussi
rocambolesque de personnes, au moyen s’il le faut de pensée magique (le R0 se
promenant autour de 5-6 dans tous les pays, et paf ! le jour-même du
confinement, qu’il soit inexistant comme en Suède ou aveugle et policier comme
en France, le R0 tombe en-dessous de 1).
Avez-vous
produit une analyse critique des résultats « négatifs » annoncés très
régulièrement dans les médias à propos de HCQ (il serait intéressant de compter
le nombre d’articles qui ont annoncé que HCQ ne marche pas, et de comparer à la
proportion d’études positives parmi toutes les études menées) ? Jamais.
Prenons
l’exemple de l’étude française sur les
singes, maintenant publiée
dans Nature, et génératrice d’un
article d’Europe 1 annonçant encore
une fois la « fin de partie » pour HCQ. Vous avez brandi à plusieurs reprises
cette étude pour prouver que HCQ ne marche pas, et
notamment face à Raphael Liogier. Or, cette étude est fort peu conclusive,
pour être gentil :
1/ les auteurs déclarent qu'aucun singe du groupe
contrôle n'a développé de forme grave comparable aux formes sévères humaines. Vous
admettrez qu’il devient difficile dans ces conditions de prouver qu'un
traitement a un effet.
2/ il faudrait, pour y parvenir, un très grand
effectif. C'est raté, très peu de singes dans chaque groupe.
3/ l'étude montre pourtant un bénéfice de HCQ : moins
de lésions pulmonaires chez les singes traités que chez les singes du groupe
contrôle (encore que des données manquent en fin de test, ce qui réduit encore
les chances d’exploiter l’étude). Mais pas significatif, évidemment, dans ces
conditions.
4/ je dis "raté" concernant les effectifs, et
je n'en suis pas sûr. Pourquoi, avec un si petit nombre d'animaux testés, avoir
fait autant de groupes ? Ça n'a pour effet que de diluer l'espoir de trouver
une différence significative... C'est tellement évident que j'ai du mal à
penser que c'est involontaire.
Passons
sur « plusieurs médecins et scientifiques », l’argument n’est pas
sérieux. Plusieurs médecins et scientifiques affirment également que le
confinement n’a servi à rien, et que les masques obligatoires dans la
population ne servent à rien : en concluez-vous que confinement et masques
sont inutiles ? Non. A tout le moins, un travail d’esprit critique serait
de voir quels sont ces médecins et scientifiques, et si leurs déclarations ne
peuvent être entachées par un « passé scabreux » ou une situation de
conflit d’intérêts. Mais ce travail n’a été fait que contre Didier Raoult.
L’investigation
critique est donc à géométrie variable.
Il faut de longues semaines pour découvrir une nouvelle maladie
infectieuse, la décrire, découvrir son origine microbienne et expliquer sa
transmission. Dans l’urgence d’une épidémie, on espère la même vitesse pour les
découvertes thérapeutiques et on comprend mal les délais nécessaires à
l’obtention d’un nouveau traitement efficace.
Pour ma part, je n’espérais pas quelque chose de
déraisonnable pour ne pas dire impossible : qu’un traitement apparaisse
dans les quelques semaines après la découverte de cette nouvelle maladie, ayant
validé toutes les étapes habituelles. C’est justement parce que cela ne
pouvait pas se produire, et face à l’obligation qui est faite de traiter les
malades, qu’il fallait admettre qu’on les traiterait avec un niveau de preuve
plus faible que d’habitude (ce qui implique une vigilance plus grande). C’était
ma position en février. Nous sommes le 2 août, et il n’existe à ce jour aucun traitement
qui fasse consensus scientifique. Pourtant, entre l’apparition de la maladie et
le 2 août, il fallait bien traiter les gens, et tenter des choses. Donc tester
les anti-viraux disponibles. HCQ est utilisée, connue et maitrisée de très
longue date, et à très grande échelle : je sais bien que vous avez enquêté
sur les grands dangers de cette molécule, mais ce n’est malheureusement pas
sérieux. Ces dangers, connus, justifient qu’une telle molécule soit délivrée
sur ordonnance uniquement ; ils ne justifient en aucun cas l’interdiction
de prescrire.
Les premiers à tomber dans cet écueil sont les mondes médiatiques
et politiques, habitués au temps court et peu enclin à comprendre la nuance dès
lors que leur principal objectif reste avant tout de gagner des points
(d’audience ou de sondage). Cette obsession de l’instantané et de la réponse
toute prête rentre en contradiction totale avec le monde de la science qui
exige du temps et se heurte à beaucoup d’obstacles.
Pourtant, Didier Raoult s’est largement prêté à ce sombre jeu
politico-médiatique et a ainsi tout fait pour entretenir, non pas des doutes
raisonnables, mais une polarisation de l’opinion publique autour d’une
certitude sans fondement : la grande efficacité qu’aurait son protocole.
Or, en Science, tout repose sur « l’art du doute ». Il faut
toujours douter, raisonnablement, jusqu’à l’obtention de démonstrations
solides, en se tenant à distance des dogmes, préjugés et idées reçues.
Il nous a donc paru important, à la fois de faire tomber le voile
de l’idéalisation du personnage (largement due à son incroyable médiatisation),
mais aussi d’attirer l’attention de nos lecteurs sur les manipulations de cet
individu, amplifié par son bras droit, député suppléant LREM (et qu’attendre de
telles personnes au niveau de l’intégrité ?).
Comme à notre habitude, nous avons fait en sorte que chacun puisse
exercer une « auto-défense intellectuelle », et ainsi ne pas devenir esclave de
ses propres certitudes. Chacun est bien libre de croire ce qu’il veut, mais
nous le sommes aussi de montrer des fraudes grotesques quand elles apparaissent
sous nos yeux, sur un domaine que nous connaissons bien.
A l’heure où notre société fonctionne de plus en plus dans
l’affrontement et le « pour ou contre », ou plutôt le « pour tout ce qui est
contre ce que je n’aime pas » (une fausse logique d’association malsaine), il
nous paraît indispensable de lutter contre cette dérive du manichéisme de la
pensée, largement alimentée par les grands médias, où la notion d’esprit
critique n’est plus utilisée pour douter raisonnablement mais pour asseoir des
certitudes idéologiques. Ces visions polarisées et passionnées empêchent de
comprendre les évènements, et donc d’agir correctement.
Ainsi, au début de la crise et durant tout son cours, notre
position invariable sur le sujet a été la suivante :
« Le traitement de Didier Raoult est peut-être efficace – nous
l’espérons mais les éléments dont nous disposons ne sont pas suffisamment
solides pour en être certains. Par ailleurs, sa méthodologie hautement
critiquable et sa communication à base de certitudes doivent nous amener à la
prudence, à la patience et au doute raisonnable – bref, à l’auto-défense
intellectuelle ».
Vous l’aurez compris, pour nous, cet épisode est loin d’avoir été
une « exception ». Il s’inscrit parfaitement dans la ligne du blog et nous
l’avons traité de la même manière que nous aurions traité une tribune vantant
les mérites de l’austérité budgétaire, une chronique d’un éditocrate
ultra-libéral, ou une n-ième sortie de BHL sur la démocratie en Libye…
Tristement, cette affaire Raoult a rapidement quitté le domaine de
la science médicale pour basculer du côté « politique », ce qui explique les
réactions très vives de part et d’autre. Et c’est pourquoi, la majorité des
soutiens et les détracteurs de Raoult se rangeaient respectivement dans des
groupes politiques assez facilement identifiables. Dès lors, notre
positionnement a également été vécu par certains d’entre vous comme un
positionnement politique.
Absurde,
il faut bien le dire. L’équipe de Didier Raoult a produit la
plus grande série sur cette maladie avec près de 4000 personnes traitées.
Ces personnes ont-elles été traitées par des slogans électoraux ? des
tracts militants ? L’IHU de Marseille a fait ce pour quoi il a été créé,
il a fait son boulot, et son boulot c’est de la science et de la médecine.
Affirmer le contraire (« il a quitté le domaine de la science
médicale ») est une aberration qui disqualifie absolument le propos.
La
discussion n’a pas été celle qu’elle aurait du être. Elle a été :
« est-ce que le traitement proposé par Didier Raoult marche ou
pas ? » (pire encore, elle s’est focalisée sur la personne de Didier
Raoult). C’est d’ailleurs la question posée par des sondeurs, à laquelle 80%
des sondés ont répondu soit oui, soit non ;
ce qui fait dire à Etienne Klein que les gens ne savent pas dire « je
ne sais pas ». Je suis d’accord avec lui sur ce point, il faut absolument
savoir dire « je ne sais pas » ; mais il est pour le moins particulier
de reprocher au quidam de répondre à une question qu’on lui pose (dans notre
régime, on lui demande d’ailleurs assez rarement son avis), sans questionner en
premier lieu la question elle-même. La question est stupide : elle
n’a pas de réponse. Pourquoi la poser ? Cela n’avait pas de sens. La
question qu’il était opportun de poser à des citoyens était : « faut-il,
en l’état actuel des connaissances, utiliser le traitement X , Y, Z ? ».
Ça, c’est une question politique, non scientifique, et c’est bien le politique
qui y a répondu. En démocratie, en théorie le citoyen est souverain, il était
logique qu’il puisse s’emparer de cette question. On pourrait tout à fait
imaginer une société qui déciderait qu’il est rigoureusement interdit pour un
médecin de prescrire un médicament qui n’a pas été testé par un essai RCT. Ou,
au contraire, une société où tous les médicaments seraient en vente libre. Nous
ne sommes, et c’est sans doute heureux, dans aucun de ces deux cas, par « décision »
politique, pas par le fait d’une Vérité scientifique et médicale qui s’imposerait
d’elle-même.
« Faut-il,
en l’état actuel des connaissances, utiliser le traitement proposé par Didier
Raoult ? » A cette question, j’aurais personnellement répondu
« oui » sans hésiter, car, en février, HCQ était le traitement
avec le meilleur niveau de preuve disponible, et il était disponible (au
contraire du Remdesivir, sur lequel a été basée la stratégie du Conseil
scientifique et de Discovery, ce qui est un fiasco absolu sur lequel Olivier
Berruyer n’a rien dit si ce n’est que c’était la faute à Raoult). C’était le
traitement au meilleur niveau de preuve disponible parce qu’il y a une
documentation scientifique sur ce sujet, et que les Chinois l’ont recommandé.
Les Chinois, face à cette nouvelle maladie, ont balancé les antiviraux connus
dans l’espoir qu’il y en ait qui s’avèrent efficace. On traite du mieux qu’on
peut en fonction de ses connaissances (issues de la production scientifique).
État des connaissances disponibles en février sur CQ/HCQ (source c19study.com) :
20/02/2020
|
Jiang et
al., Chin. J. Tuberc. Respir. Dis., 2020, 43,
doi:10.3760/cma.j.issn.1001-0939.2020.0019 (Peer Reviewed)
|
Expert
Consensus on Chloroquine Phosphate for the Treatment of Novel Coronavirus
Pneumonia
|
19/02/2020
|
Gao et al.,
BioScience Trends, 2020, doi:10.5582/bst.2020.01047 (Peer Reviewed)
|
Breakthrough:
Chloroquine phosphate has shown apparent efficacy in treatment of COVID-19
associated pneumonia in clinical studies
|
17/02/2020
|
Sun
Yanrong, deputy head of the China National Center for Biotechnology
Development (News) (not included in the study count)
|
Antimalarial
drug confirmed effective on COVID-19
|
04/02/2020
|
Wang et
al., Cell Res. 30, 269–271, doi:L10.1038/s41422-020-0282-0 (Peer Reviewed)
(In Vitro) (not included in the study count)
|
Remdesivir
and Chloroquine effectively inhibit the recently emerged novel coronavirus
(2019-nCoV) in vitro
|
2014
|
de Wilde et
al., Antimicrobial Agents and Chemotherapy, Jul 2014, 58:8, 4875-4884, doi:10.1128/AAC.03011-14
(Peer Reviewed) (In Vitro) (not included in the study count)
|
Screening
of an FDA-Approved Compound Library Identifies Four Small-Molecule Inhibitors
of Middle East Respiratory Syndrome Coronavirus Replication in Cell Culture
|
2012
|
Yan et al.,
Cell Research, 23, 300–302, doi:10.1038/cr.2012.165 (Peer Reviewed) (not
included in the study count)
|
Anti-malaria
drug chloroquine is highly effective in treating avian influenza A H5N1 virus
infection in an animal model
|
2009
|
Keyaerts et
al., Antimicrob. Agents Chemother, August 2009, 53(8),
doi:0.1128/AAC.01509-08 (Peer Reviewed) (not included in the study count)
|
Antiviral
Activity of Chloroquine against Human Coronavirus OC43 Infection in Newborn
Mice
|
2008
|
Kono et
al., Antiviral Research, 77:2, February 2008, 150-152,
10.1016/j.antiviral.2007.10.011 (Peer Reviewed) (In Vitro) (not included in
the study count)
|
Inhibition
of human coronavirus 229E infection in human epithelial lung cells (L132) by
Chloroquine: Involvement of p38 MAPK and ERK
|
2006
|
Savarino et
al., Lancet Infect. Dis., doi:10.1016/S1473-3099(06)70361-9 (Peer Reviewed)
(In Vitro) (not included in the study count)
|
New
insights into the antiviral effects of chloroquine
|
2005
|
Vincent et
al., Virol. J. 2:69, 2005, doi:10.1186/1743-422X-2-69 (Peer Reviewed) (In
Vitro) (not included in the study count)
|
Chloroquine
is a potent inhibitor of SARS coronavirus infection and spread
|
2004
|
Keyaerts et
al., Biochem. Biophys. Res. Comm., 323:1, 8 October 2004,
doi:10.1016/j.bbrc.2004.08.085 (Peer Reviewed) (In Vitro) (not included in
the study count)
|
In vitro
inhibition of severe acute respiratory syndrome coronavirus by chloroquine
|
2003
|
Savarino et
al., Lancet Infect. Dis., doi:10.1016/S1473-3099(03)00806-5 (Peer Reviewed)
(Theory) (not included in the study count)
|
Effects of
chloroquine on viral infections: an old drug against today's diseases
|
On est loin, à ce moment-là, d’une idée plus ou moins farfelue sortie du chapeau
d’un druide au passé scabreux. Il s'agit de l'hypothèse la plus probable. A ce compte-là, l'urgence d'enquêter sur le messager de cette hypothèse parait moins pressante.
Bien
sûr, il restait des incertitudes : comme il a été dit, la
« bouée » HCQ pouvait s’avérer être un parpaing. Mais, il ne
s’agissait pas de s’engager pour un contrat forcé : puisqu’il n’y avait
pas de consensus scientifique sur la question, la prudence était de mise, la
surveillance devait être maximale, et à la moindre suspicion sérieuse (autre
chose que d’aller repêcher un gusse dans son aquarium parce qu’il a cru se
protéger en avalant un comprimé où il y aurait eu de la chloroquine, si vous
voyez ce que je veux dire), on suspend. Par ailleurs, et surtout, l’alternative
proposée était un parpaing absolument évident : « Restez chez vous et
prenez du doliprane ». Le doliprane est tout à fait risqué, et les Chinois
avaient alerté sur le fait que des patients se sentaient plutôt pas mal et
avaient pourtant des lésions pulmonaires très sérieuses, confirmé en France par
l’équipe « en dehors de la science et de la médecine » selon vous, de
l’IHU de Marseille.
Bien
sûr, des gens ont estimé certain que HCQ « marchait », Didier Raoult
le premier et comment pouvait-il en être autrement ? Il était certain
qu’on n’avait pas mieux. De là à y voir un « remède miracle » ou
une « potion magique », c’est absolument ridicule et c’est utilisé
encore une fois uniquement par les détracteurs pour se donner une supériorité
intellectuelle sur ces abrutis arriérés qui suivent leur gourou anti-science.
Mais,
de l’autre côté, beaucoup ont également affirmé que HCQ « ne marchait
pas ». Ce qui était au moins aussi faux, et que vous n’avez jamais
contredit, bien au contraire. Pas besoin d’auto-défense intellectuelle ?
Pourtant, le traitement a été rendu inaccessible à la médecine de ville (après
avoir été à juste titre, je défends Buzyn sur ce point, interdit à la vente
libre), et réservé « notamment » aux cas graves dans les
hôpitaux : le risque était une sous-utilisation d’un médicament
potentiellement bénéfique, plutôt qu’une sur-utilisation d’un médicament potentiellement
néfaste. Mais vous ne vous êtes occupés que des pro-. Curieuse hémiplégie dans
l’auto-défense intellectuelle.
Aujourd’hui,
75%
des études (publiées ou encore en pré-print) montrent des bénéfices de HCQ.
Celles qui n’y parviennent pas ont testé une utilisation tardive qui n’a pas,
on le sait depuis le début, beaucoup de sens. Pour autant, à titre personnel,
je ne suis toujours pas convaincu par l’efficacité de ce traitement. Même une
étude RCT dont vous rêvez ne me convaincrait pas définitivement (on a des
exemples de fumisteries sous RCT, aucun problème là-dessus). L’art du doute, ça
me connaît. En revanche, politiquement, il fallait prendre une décision (quitte
à changer, une fois de nouvelles informations connues). Politiquement.
Oui, c’était une question politique, et vous faites mine de l’ignorer, et de
faire croire que c’est à cause de Raoult, sorti de la science et de la médecine
pour faire de la politique, que ça a dégénéré. Pas du tout. Nous citoyens,
n’avons pas à être experts ; en revanche, nous avons à nous exprimer sur
une politique à conduire en fonction des connaissances.
Je reconnais que le ton adopté dans nos articles traduisait une
exaspération à la fois face à la proportion que l’affaire a prise, et face à
une incapacité à rendre audible un argument pourtant très simple : nous ne
sommes pas anti-chloroquine, nous voulons simplement un essai clinique
randomisé robuste pour trancher la question conformément à la démarche
scientifique. Mais à l’évidence, c’était impossible à entendre par beaucoup,
car à ce moment là, Didier Raoult était déjà devenu un symbole intouchable, une
icône politique, pour tous ceux qui à raison s’insurgent contre la faillite des
autorités.
On
échappe, pour une fois, au qualificatif « gourou », c’est toujours ça
de pris. Personnellement, mon esprit critique et mon auto-défense
intellectuelle me conduisent à mettre en doute les sempiternels rouleaux
compresseurs contre une brebis galeuse. Je sais bien que vous tentez de faire
croire que Didier Raoult est « mainstream », vu qu’il passe en
« prime time » etc. Entre février et aujourd’hui le 2 août, nous
avons eu un tsunami d’insultes dans tous les médias, de la part des
éditorialistes, des « quelques médecins et scientifiques » dont vous
parlez, et plus grave encore selon moi des zététiciens et autres champions de
l’esprit critique sur le net. Ce tombereau d’insultes visait à faire de Raoult
un gourou d’une secte anti-science, secte populiste et complotiste. Ces
accusations sont absurdes. A partir de là, il est logique qu’elles soient
rejetées. Si je dis qu’Olivier Berruyer mange des petits enfants dans sa cave,
qu’en conséquence tous ceux qui suivent son site sont des adeptes d’une secte
dangereuse, et donc que toute la statistique est à jeter par la fenêtre, on
rejetterait en bloc ce que je prétends, et j’en conclurais que c’est normal puisque
ces gens sont endoctrinés. La logique d’anathème et d’accusation absurde
excessive ne mène à rien.
Moi-même,
à un moment donné, lassé d’être insulté quotidiennement, j’ai pu traiter les
personnes comme vous de « prêtres d’une religion scientiste ». J’ai
vite arrêté, puisque cela ne mène strictement à rien, si ce n’est à renforcer
les antagonismes entre les deux « camps ». Or, je défends la science,
sa démarche, et l’esprit critique, comme le prétendent mes
contradicteurs : à un moment donné, il faut pouvoir retrouver la raison et
travailler à des ponts, plutôt que se complaire chez soi à se donner une supériorité
sur les autres d’en face.
Arrêtez de nous traiter de secte, d’anti-science… et vous verrez que les
échanges gagneront en qualité.
Par
ailleurs, Raoult a ciblé les attaques puisqu’il a porté le message. Mais la
question n’est pas Raoult. Supprimons purement et simplement les études menées
par l’IHU de la
liste des études concernant HCQ vs. SARS-CoV2, et je n’aurais pas à bouger
d’un millimètre : à ce jour, HCQ est toujours le traitement au meilleur
niveau de preuve disponible (quand bien même ce n’est pas parfait, ni ne fait
consensus). Et un traitement, même imparfait, c’est mieux que pas de
traitement du tout, ne serait-ce que dans la prise en charge des malades qui
ont droit à ce qu’on tente ce qu’on peut plutôt que leur dire qu’on ne fera
rien. Personne ne peut être en désaccord avec ça, et c’est d’ailleurs ce
qu’explique Eric Caumes : même sans être sûrs, c’est ce qu’ils ont fait,
ils ont tenté HCQ, parce qu’ils étaient bien obligés. A cette lumière,
l’acharnement anti-Raoult apparait vraiment pour ce qu’il est : absurde,
dérisoire, déplacé.
Quand nous avons mesuré les problèmes scientifiques à l’IHU de
Marseille, nous avons tenté de démystifier le personnage. C’est là que avons
découvert un Raoult au passé scabreux, et nous avons voulu tout vous montrer,
preuve à l’appui, dans l’espoir de faire tomber le voile de l’idéalisation de
la personne, et éveiller chez vous la méfiance et le doute nécessaire à la
réflexion scientifique. Ce doute était paralysé par le militantisme de tout à
chacun. Il est évident que de notre côté nous n’avons pas été assez subtils, et
c’était une erreur de commencer par vous présenter cette facette du personnage
hors du champ scientifique, avant de vous exposer les manipulations liées à ses
travaux scientifiques.
Pas
du tout. Encore une fois, prouvez que Didier Raoult est en fait la
réincarnation de Jack l’Eventreur, ça ne changera pas que, en février, et
aujourd’hui plus encore, HCQ est le traitement au meilleur niveau de preuve
disponible, et qu’il était absurde de s’en passer. Point. Vous fabriquez une
sur-idéalisation en attaquant de manière absolument démesurée et malhonnête
Didier Raoult.
Nous avons bien pris acte des réactions de certains d’entre vous :
à l’avenir, nous nous engageons à être plus clairs dans nos intentions, pour
que la confiance que vous nous apportez depuis des années reste inchangée.
Et pour ceux qui continuent de nous demander quel laboratoire nous
a corrompu et avec quel montant (merci de nous faire rire dans cette période
difficile), nous rappellerons deux choses :
1/ Penser que « critiquer Raoult et ses méthodes » revient à « être
à la solde de Big Pharma » constitue un parfait exemple de manichéisme de la
pensée (tout blanc ou tout noir). La réalité est évidemment bien plus nuancée
et ce refus de la nuance est aux antipodes de l’auto-défense intellectuelle que
nous défendons sur ce site.
Je
suis bien d’accord, et je prends acte à mon tour que vous serez plus clairs à
l’avenir (plus clair signifie à mon avis plus impartial et plus équilibré, je
ne sais pas si vous entendez la même chose). Il est hallucinant, par exemple,
de n’avoir pas lu le millième de critiques contre les membres du conseil
scientifique en situation de conflit d’intérêts dans cette histoire : ils
nous ont mené dans l’impasse de Discovery, c’est une véritable catastrophe
scientifique et médicale, bien pire que tout ce que vous reprochez à Raoult.
C’est une catastrophe pour l’image de la science pour les citoyens, et cela ne
peut qu’engendrer une légitime défiance. C’était donc au monde scientifique, à
celui de la médiation, de travailler ces questions : vous ne l’avez pas
fait.
2/ Contrairement à Didier Raoult, nous estimons que la
démocratisation de la Science ne doit pas passer par une mise à distance des
mathématiciens ou par la création d’une médecine par les sondages, mais bien
par :
Faux. Didier Raoult n’a pas fait appel aux sondages pour établir une
vérité scientifique. Il a fait appel au peuple sur la question de la stratégie
à adopter durant cette crise. Bien au contraire, il s’est défini comme
« sachant » et « expert », en critiquant l’expertise du
conseil scientifique, ce n’était pas pour demander au quidam si HCQ est mieux
que ZHT ou XYZ. Raoult a défini le protocole : il n’a pas fait un
micro-trottoir à Marseille pour recueillir l’avis des gens. Le politique a
dit : non. Le politique pouvait dire oui. Le politique c’est-à-dire les
citoyens. Critiquez justement Didier Raoult, et vous verrez que vous aurez des
réponses argumentées. Si vous critiquez aussi fallacieusement, ne vous étonnez
pas, qu’en retour, on rejette avec moins de discernement vos propos.
– la nationalisation de Sanofi, rachetée au prix de l’actif net, et
interdiction de dividendes. ;
– l’augmentation de la taxation des autres laboratoires sur leurs activités
en France (tels Gilead et Abbvie) ;
– l’obligation de réaliser les essais cliniques de phase III par le
secteur public pour les plus importantes molécules afin de s’assurer qu’aucun
biais n’en modifie la conclusion ;
– l’obligation de rendre public les résultats des essais privés ;
– l’interdiction des visiteurs médicaux payés les laboratoires ;
– l’interdiction de toute rémunération de médecins par les
laboratoires.
Bref, n’ayez crainte, aucun laboratoire pharmaceutique ne
soutiendra un tel programme…
En conclusion, si « Big Pharma » ment et manipule parfois (et nous
continuerons à le dire, comme nous l’avons par exemple montré ici : https://www.les-crises.fr/cholesterol-le-grand-bluff-le-do…/),
ce n’est pas pour autant que tout critique (réel ou apparent) de Big Pharma est
honnête, « Big Université » ou « Big Mandarin » n’ont parfois rien à envier aux
multinationales en terme d’intégrité.
Là-dessus,
nous sommes d’accord, mais il est déplorable que vous n’ayez rien publié, par exemple, sur
Gilead, dont les manœuvres sont gravissimes dans cette crise, en parallèle de
votre « acharnement » sur Didier Raoult. Acharnement qui, je le
répète en conclusion, était à côté de la plaque puisque ce n’est pas la
personne Didier Raoult qui était l’enjeu, c’était la stratégie politique pour
faire face à cette crise. Nous ne serons peut-être pas d'accord sur ce qu'il fallait faire, mais n'en faites pas le combat de la science contre l'anti-science.
La
stratégie « Restez chez vous et prenez du doliprane » était à mon
sens la pire possible (si on ne diagnostique pas et ne traite pas, on ne risque
pas de soigner qui que ce soit, on ne risque pas non plus de progresser dans la
compréhension de la maladie, mais là-dessus au moins avez-vous reconnu que
Raoult avait fait avancer les choses sur les séquelles induites par la prise en
charge trop tardive : comment-a-t-il fait sans faire de science ni de médecine ?
ça doit être un miracle).
Il
était donc possible de cultiver l’art du doute, l’esprit critique, la démarche
scientifique et de prôner l’utilisation de HCQ (en tout cas jusqu’à ce qu’on
trouve mieux). Vous le déniez, et c’est le biais dans lequel vous êtes pris. Ce faisant, je ne pense pas que vous rendiez service à la science, en la faisant paraître (même si ce n'est certainement pas le cas vous concernant) comme inféodée aux grands intérêts industriels et politiques. On peut douter de l'efficacité de HCQ, encore aujourd'hui ; mais on peut et on doit douter de tous les points que j'ai cités plus haut. Or, si le doute apparaît à géométrie variable, qui peut faire confiance à cette démarche?